ASSEMBLEE GENERALE
DE L' A.F.D.M

ASSEMBLEE GENERALE DE L' A.F.D.M.

La participation, le 16 février 2012 à Paris, de Maître Gaston NGAMKAN à l' Assemblée générale de l'AFDM (Association Française du Droit Maritime) ;

A l'occasion de cette assemblée, le Président sortant, Maître Patrick SIMON, Avocat au Barreau de Paris, a passé le témoin au Président entrant, Monsieur Philippe BOISSON, Directeur juridique du Bureau Veritas à Paris. Ladite assemblée a débuté par le discours d'adieu de Maître Patrick SIMON, lequel a fait le bilan, très riche, des quatre ans passés à la tête de l'Association. Il achève son discours en souhaitant bon vent à son successeur. Le discours de Maître Patrick SIMON sera suivi par celui de son alter ego accédant à ses nouvelles fonctions, lequel a dit compter sur le soutien de tous pour réussir la mission à lui confiée.


Enfin, la parole est passée à Maître Gaston NGAMKAN pour prononcer une communication sur le thème suivant proposé par le Président sortant, en raison de son intérêt évident : « Etude comparée entre le droit maritime français et le droit maritime de l'Afrique centrale (CEMAC) ». Cet exposé, qui dure environ vingt minutes, est suivi par un jeu de question-réponse. Le texte de cet exposé, composé de deux parties, sera publié à la revue DMF (Le Droit Maritime Français), précisément dans le numéro 738 (pour la première partie, laquelle traite essentiellement du régime juridique du contrat de transport des marchandises) et dans le numéro 739 (pour la seconde partie abordant le statut juridique de l'entrepreneur de manutention et la saisie conservatoire de navires).

A- Dans la première partie, le régime du contrat de transport est envisagé sous le prisme des documents matérialisant ce contrat, sous l'angle de son exécution et, enfin, du point de vue des responsabilités en découlant, l'accent étant mis sur les dissemblances et les similitudes entre le tout nouveau Code des transports français - institué par l'ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie législative dudit Code et entré en vigueur le 1er décembre 2010 - et le Code CEMAC de la marine marchande - dans sa version actuelle issue de la réforme du 3 août 2001, sans en aucune façon faire litière du nouveau projet de réforme en attente d'adoption par le Conseil des Ministres de l'UEAC (Union Economique de l'Afrique Centrale), organe législatif de la CEMAC.

B- Dans la seconde partie, concernant le statut juridique de l'entrepreneur de manutention, l'étude s'intéresse principalement aux innovations contenues dans le nouveau projet de réforme du Code CEMAC, dans la mesure où une étude comparée entre le statut juridique de l'entrepreneur de manutention en droit français et en droit communautaire de l'Afrique centrale avait déjà été publiée par les soins de Maître Gaston NGAMKAN au DMF de mars 2009 (pp. 261 et ss.), soit peu de temps avant la récente réforme du Code communautaire.

En fait d'innovation, l'auteur expose qu'en droit CEMAC, le statut juridique de l'entrepreneur de manutention a été complété par les dispositions pertinentes inspirées ou reproduites de la Convention des Nations Unies sur la responsabilité des exploitants des terminaux de transport dans le commerce international, convention adoptée à Vienne le 19 avril 1991, mais non encore en vigueur, bien que constituant un cadre juridique de référence, faute de ratifications suffisantes. Ces dispositions concernent l'émission du document formant contrat de manutention et/ou d'acconage, la durée de responsabilité de l'entrepreneur de manutention, les marchandises dangereuses, la sûreté dont bénéficie l'entrepreneur de manutention pour le recouvrement de sa créance, ce dernier point ayant été complété pat l'Acte uniforme OHADA portant organisation des sûretés (art. 56) et par l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution (art. 120), afin de désamorcer tout conflit ou toute concurrence avec ces textes panafricains qui lient également les Etats membres de la CEMAC.

Mais, d'autres questions d'un intérêt évident, qui naguère avaient été oubliées dans les limbes, trouvent désormais des réponses adéquates. En effet, la coquille qui affectait le régime de responsabilité de l'entrepreneur de manutention a été convenablement corrigée (voir : art. 631, projet de réforme reproduisant à l'identique l'art. 53 de la loi française de 1966). L'on se souvient que ce régime est actuellement empreint d'une énorme confusion qui rend le texte de l'article 449, litt. b) inutilisable en l'état, le législateur communautaire de 2001 ayant fait de l'amalgame entre les opérations de manutention classiques (chargement, déchargement ...) et les opérations d'acconage (reconnaissance à terre des marchandises, garde et livraison) ; ce qui ne va pas sans embarrasser plaideurs et magistrats, obligés par suite d'aller au-delà de la lettre du texte pour rechercher son esprit., une gymnastique intellectuelle pas toujours des plus aisées.

Par ailleurs, une prescription a été, enfin, expressément prévue pour les actions en responsabilité contre l'entrepreneur de manutention, ce qui fera évidemment tarir une source importante de contentieux dans les prétoires, sans compter qu'une disposition appropriée confère désormais au statut juridique de l'entrepreneur de manutention un caractère d'ordre public.

Au total, si on fait litière de la prescription de l'action principale en responsabilité contre l'entrepreneur de manutention, laquelle est de deux ans sous la bannière de notre nouveau et futur Code, on peut affirmer que celui-ci est en parfaite concordance avec le droit français sur les autres points susvisés.

Pour ce qui se rapporte à présent à la saisie conservatoire des navires, il y a lieu d'observer qu'en droit français comme en droit communautaire de l'Afrique centrale, la saisie conservatoire des navires est soumise à un double régime : le régime prévu par la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 et le régime de droit interne. En effet, si l'on fait abstraction de la Guinée Equatoriale, de culture hispanophone, tous les autres Etats de l'Afrique centrale sont partie à la Conventions susdite depuis le 23 avril 1958, en vertu du principe de la succession législative prévue dans leurs constitutions respectives (voir par ex. : art. 68, Constitution du Cameroun), la France ayant étendu l'application de cet instrument à ses colonies, territoires sous tutelle, territoires d'Outre-mer ..., depuis la date précitée, conformément à l'article 18 litt. a) de la Convention. Le régime conventionnel étant commun à la France et aux Etats de la zone CEMAC, la comparaison faite par l'orateur s'est focalisée sur le droit interne français et le droit sous-régional de l'Afrique centrale.

A l'orée de ses propos, Maître Gaston NGAMKAN a rappelé les textes applicables, faisant remarquer que, naguère régie par les prévisions du décret n° 67-967 du 27 octobre 1967 portant statut des navires et autres bâtiments de mer (art. 26 à 30), la saisie conservatoire des navires était désormais soumise en France aux dispositions des articles 5114-20 à 5114-22 du Code des transports, lesquelles, soulignait-il avec insistance, ne sont pas la reproduction fidèle des textes du décret, ce qui dément donc formellement l'idée selon laquelle le nouveau Code des transports constituerait une codification à droit constant et confirme, sans conteste, la thèse d'« une codification à droit inconstant ».

En Afrique centrale, la saisie conservatoire de navire était, à l'origine, juridiquement encadrée par le Code UDEAC de la marine marchande (art. 109 à 113), lequel était largement inspiré des prévisions du décret français susvisé, avec quelques originalités pour tenir compte du contexte local. Au titre de ces originalités, on peut citer l'avis de l'autorité maritime compétente, laquelle est par ailleurs constituée gardien du navire saisi, étant précisé que cet avis doit précéder toute saisine du juge de la saisie.

Avec la réforme du 3 août 2001, tout en restant viscéralement attaché à sa filiation avec le droit français, le Code communautaire CEMAC révisé s'est voulu plus précis sur nombre de points. Ainsi, a-t-il projeté des rais de lumière sur la notion de navire saisissable, notamment en transposant en droit sous-régional l'article 3 de la Convention de Bruxelles, à travers l'article 114, texte qui énonce que :

« La saisie peut être pratiquée soit sur le navire auquel la créance se rapporte, soit sur tout autre navire appartenant à celui qui était, au moment où est née la créance maritime, propriétaire du navire auquel cette créance se rapporte. Les navires appartenant à un état, ou exploités par lui, ne peuvent être saisis si, au moment où la créance est née, ils étaient affectés exclusivement à un service gouvernemental et non commercial ».

De même, à propos de l'autorisation de voyage moyennant fourniture d'une garantie financière, imitant la Convention de Bruxelles, le second alinéa de l'article 116 du Code CEMAC de 2001 précise que :

« Aucune demande tendant à la libération du navire contre la constitution d'une garantie ne peut être interprétée comme une reconnaissance de responsabilité, ni comme une renonciation à toute défense ou à tout droit de limiter la responsabilité ».

L'incohérence qui entache ce texte n'a pas manqué d'être relevée par l'auteur de l'exposé, lequel a fait remarquer que, du moment qu'à l'alinéa 1er il est question d'autorisation de voyage, l'orthodoxie juridique eut voulu que le second alinéa parlât plutôt de « demande tendant à l'obtention d'une autorisation d'effectuer des voyages » et non de demande tendant à la libération du navire.

Pareillement, le Code issu de la réforme de 2001 a eu soin de lever un grand pan de voile sur la portée de l'« avis » qui fait la singularité de la procédure de saisie conservatoire de navires en Afrique centrale, notamment en précisant, à l'article 118, que cet avis de l'« autorité maritime compétente », laquelle apparaît sans nul doute comme un pilier incontournable de la saisie conservatoire dans notre sous-région, a « un caractère consultatif et ne lie pas le juge ». Une précision dont les effets pervers sont bien à contre-courant du résultat recherché par le législateur, puisque le juge des requêtes croit pouvoir se muer en justicier faisant la loi, alors que son office est plutôt certainement de dire le droit. En effet, le juge méconnaît presque systématiquement cet avis, précisément en refusant d'accorder la saisie au motif que la créance ne serait pas justifiée ou que la preuve ne serait pas rapportée que le navire appartient au débiteur, toute question qui, de fait, relève de la compétence du juge du fond - que le créancier a d'ailleurs l'obligation de saisir dans un délai d'un mois à compter de l'immobilisation du navire. C'est ici le lieu de rappeler fermement que, pour les saisies de caractère international justiciable de la Convention de Bruxelles de 1952 (et le Cameroun est lié par cet instrument, comme relevé ci-avant, depuis le 23 avril 1958), le juge des requêtes doit se borner à vérifier la nature maritime de la créance. Cette interprétation, qui ne prête à débat, s'autorise de la jurisprudence constante de la Cour de cassation et de la doctrine maritimiste. Avis donc au juge des requêtes du tribunal de première instance de Douala-Bonanjo !

Par ailleurs, la notion de créance maritime - naguère abandonnée dans un flou artistique - a été élucidée par l'article 119, texte dont la qualité rédactionnelle n'est pas le principal atout.

Dans le même temps, la procédure de saisie est précisée par l'article 122. Ce texte mentionne, en effet, que :

« La saisie conservatoire est pratiquée entre les mains du capitaine du navire par un huissier de justice qui en dresse procès-verbal. Copie du procès-verbal est adressée au Commandant du port, à l'autorité maritime compétente, ainsi qu'au Consul de l'Etat du pavillon ».

Puis, suivent dans un luxe de détails les mentions du procès-verbal, dont aucune au surplus n'est prévue à peine de nullité.

Toujours au titre des reformes apportées par le Code révisé en 2001, on note le texte qui prévoit la possibilité pour le débiteur saisi, c'est-à-dire le propriétaire de navire, d'agir en rétractation de l'ordonnance de saisie dans un certain délai. En effet, l'article 123 dispose que :

« Le propriétaire du navire saisi ou son représentant peut, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la saisie faite au capitaine, se pourvoir devant le juge des référés en rétractation de l'ordonnance de saisie ».

On peut, à juste titre, s'interroger sur l'opportunité d'enfermer la demande de rétractation initiée par l'armateur du navire sous saisie conservatoire dans un délai légal. Fort heureusement, le texte ne prévoit aucune sanction en cas de méconnaissance de ce délai.

En droit français, force est de relever que la demande de rétractation, de même que la demande de mainlevée ne sont pas justiciables des lois maritimes, mais procèdent des textes de droit commun, notamment de l'article 72 alinéa 1er de la loi du 9 juillet 1991 sur les procédures civiles d'exécution et de l'article 496 alinéa 2 du NCPC (pour la rétractation), puis de l'article 72 alinéa 2 et 3 de la loi précitée (pour la mainlevée).

On ajoutera qu'alors qu'en droit français l'obligation faite au créancier saisissant d'introduire à peine de nullité une procédure en obtention d'un titre exécutoire dans un délai d'un mois à compter de la saisie procède des dispositions impératives du droit commun des voies d'exécution, lesquelles ont été étendues aux saisies de navires par la jurisprudence maritime, en Afrique centrale, cette formalité exigeante est prévue par l'article 125 du Code CEMAC de 2001, texte qui dispose que :

« A compter de la notification du procès-verbal de saisie conservatoire et à peine de caducité, le saisissant doit, dans un délai d'un mois, introduire une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l'obtention du titre exécutoire ».

D'autre part, si en droit français la sanction de l'abus de droit en matière de saisie conservatoire de navire relève encore de la jurisprudence et non de la loi maritime, en Afrique centrale, il en va différemment. Car, l'article 126 du Code révisé en 2001, texte du reste repris dans la version de 2012 (art. 156), accorde à tout propriétaire de navire, qui aura obtenu la mainlevée ou la rétractation de la saisie, la faculté d'assigner le saisissant en réparation du préjudice subi du fait de l'immobilisation du navire, « s'il est avéré que la saisie était injustifiée ».

Pour terminer, notons que le nouveau Code CEMAC, dont l'adoption et l'entrée en vigueur sont vivement attendues, contient des dispositions mieux élaborées et plus complètes sur la saisie conservatoire et même sur la saisie-vente. En matière de saisie conservatoire, des dispositions inspirées de la Convention internationale de Genève de 1999 ont été incorporées dans le Code, de même que certaines solutions prétoriennes du droit français. Il s'agit des dispositions concernant les créances maritimes, dont la liste est plus complète dans la nouvelle Convention, et de la précision selon laquelle est assimilée à la créance maritime une créance partiellement maritime (art. 149). Mais, le Code communautaire s'est également enrichi des dispositions qui donnent compétence au juge des référés pour départager les parties litigantes lorsqu'elles ne parviennent pas à accorder leurs violons sur l'importance et la forme de la garantie à fournir pour libérer le navire saisi, étant précisé que, dans ce cas, le montant de la garantie ne peut excéder la valeur du navire (art. 146 § 2). Il est, par ailleurs, permis à la personne qui a constitué une garantie en libération du navire de demander, à tout moment au tribunal compétent, de réduire, modifier ou annuler cette garantie, notamment si elle rapporte la preuve que celle-ci était manifestement excessive au regard du montant réel de la créance ou n'était pas appropriée, ou était injustifiée parce que la créance était inexistante en réalité (art. 146 § 4). Enfin, parce que le juge du fond a plénitude de compétence sur le litige, le législateur communautaire a pris en compte la jurisprudence de la Cour de cassation française qui donne compétence à ce juge pour ordonner mainlevée de la saisie conservatoire de navire, précisément si à l'analyse il s'avise que la créance ayant motivé la saisie apparaît hypothétique ou infondée (art. 155 § 3), et même si cette mainlevée a été refusée par le juge qui a autorisé la saisie.